Le « mariage pour tous » pourrait être appelé « la fin du droit de l’enfant à avoir un père et une mère ». Cette définition, plus tragique mais surtout plus proche de la réalité, met l’accent sur l’injustice faite à l’enfant.
Florian Baier
L’écrasante majorité d’entre nous a eu la chance d’avoir un père et une mère durant son enfance, privilège dont l’importance pour le développement psychique, affectif et social n’est plus à démontrer. En outre, la quête de son identité est un des droits fondamentaux de l’être humain. Les guerres et les catastrophes peuvent tragiquement éloigner un enfant de ses racines et lui faire perdre ses parents, raison pour laquelle depuis l’aube de l’humanité, la possibilité de l’adoption a été pensée.
L’identité : droit fondamental de l’être humain
Avons-nous pour autant le droit d’imposer aux générations futures de venir au monde avec d’emblée une telle carence ? Alors que l’adoption provient toujours d’une situation tragique (décès, voire pire : rejet de l’enfant), avons-nous le droit de créer artificiellement une telle situation ? Notre rôle est évidement de tout mettre en œuvre pour que chaque enfant qui naît sur cette planète ait la chance d’y connaître et d’y vivre avec son père et sa mère. Rétorquer à cela que le don de sperme se fait déjà pour des couples mariés mais inaptes à procréer pour raison de stérilité est évidemment un leurre.
Comme l’a soulevé le psychiatre et psychanalyste français Pierre Lévy-Soussan en 2012 dans une interview à l’hebdomadaire « Le Point » : « L’adoption, c’est se transformer en « vrai » père, en « vraie » mère, c’est permettre à l’enfant venu d’ailleurs de s’originer psychiquement du couple. Même s’il sait que ses parents adoptifs ne sont pas ses parents biologiques, l’enfant doit pouvoir imaginer qu’il « aurait pu » en être issu, il doit pouvoir fantasmer une scène de naissance possible, encore faut-il qu’elle soit crédible. »
Différence radicale entre éducation et filiation
C’est là que l’on découvre qu’il y a une vaste différence entre éducation et filiation. Lorsque l’enfant traverse une crise, notamment d’adolescence, il remet naturellement en question l’amour qui lui est porté par ses parents. Les visions idylliques de ses parents disparaissent et tout peut alors voler en éclats. A ce sujet, Pierre Lévy-Soussan insiste : ce qui demeure au final, c’est « le statut inattaquable de père et de mère, la crédibilité filiative. » Or, souligne cet auteur, des parents homosexuels ne pourront jamais avoir cette crédibilité. Et l’enfant le sait.
De là ne peut que naître une crise profonde d’identité. Un déracinement. Ce déracinement est encore bien pire avec le don de sperme, car l’enfant se retrouve sans famille biologique ni famille socialement « crédible ». Il ne peut même pas répondre à ses pairs : « ma mère c’est … » ou « mon père c’est … », ce qui ne manque pas de plonger des enfants dans une stigmatisation de « déraciné », avec l’exposition à des remarques terribles telles que : « toi de toutes façons tu n’as pas père » ou : « tu ne sais même pas d’où tu viens ».
Le débat autour du « mariage pour tous » est donc l’occasion de nous rappeler que tous n’ont pas eu la chance de grandir avec leur père et leur mère. La perte d’un des parents, voire des deux, est surmontable avec l’aide de Dieu et des proches, mais néanmoins tragique. Mettons tout en œuvre pour que les générations futures, qui arriveront dans un monde passablement turbulent et souvent dramatique, y arrivent au moins dans les meilleures conditions possibles.
Florian Baier est Président du parti évangélique à Genève.