Il aura fallu quatre mois à Asia Bibi pour quitter le Pakistan après son acquittement définitif, prononcé par la Cour Suprême de son pays le 29 janvier dernier. Un départ en toute discrétion maintenant confirmé par plusieurs dirigeants politiques.
Après plus de 8 ans passés dans le couloir de la mort, Asia Bibi a enfin pu quitter le Pakistan. « C’est un grand jour, a déclaré son avocat, Saif Ul Malook. Asia Bibi a quitté le Pakistan et est arrivée au Canada. Elle a retrouvé sa famille. Justice a été rendue. »Toujours d’après son avocat, la quinquagénaire est arrivée mercredi 8 mai au Canada, où ses filles avaient déjà émigré. Son mari se trouverait également au Canada. « Je ne peux pas confirmer quoi que ce soit pour des raisons de vie privée et de sécurité », a pour sa part réagit le premier ministre canadien.
« C’est une merveilleuse nouvelle et nous espérons qu’il n’y aura pas de répercussions pour les chrétiens du Pakistan, mais qu’elle ouvrira la voie au changement, à l’espoir et à la réconciliation », a déclaré un porte-parole de Portes Ouvertes dans cette région.
« L’information a pris du temps à être confirmée, car depuis son acquittement définitif, Asia a dû, pour sa sécurité, être transférée régulièrement d’un endroit à l’autre en toute discrétion. »
« Je regrette que le seul moyen pour qu’Asia Bibi puisse vivre en paix soit de quitter son pays », souligne Philippe Fonjallaz, directeur de l’ONG Portes Ouvertes (PO) en Suisse. « Cela montre tout le chemin qu’il reste à parcourir au Pakistan pour que les minorités religieuses, dont les 4 millions de chrétiens que compte le pays, puissent vraiment vivre leur foi en toute liberté, sans être constamment sous la menace de la loi sur le blasphème ou des extrémistes islamistes. »
« Des faits » qui n’ont jamais été prouvés
Le cauchemar d’Asia Bibi commence en juin 2009, lorsqu’elle se dispute avec deux travailleurs musulmans pendant la récolte. Elle va chercher de l’eau pour tout le monde. Les ouvriers agricoles exigent qu’elle se convertisse à l’Islam, faute de quoi ils ne pourraient pas boire l’eau, rendue impure par Asia Bibi, chrétienne et ayant bu dans le même récipient. Même elle refuse de se convertir.
A partir de ce moment-là, les déclarations divergent. Certains rapportent qu’elle aurait dit que Jésus-Christ et non Mohammed est le vrai prophète de Dieu. Asia Bibi nie cette affirmation.
Onze fois Noël derrière les barreaux
Comme il est d’usage dans des cas comparables au Pakistan, une foule se rassemble rapidement. La foule veut traduire Asia Bibi en justice. La police empêche cela et l’arrête. En 2010, elle est condamnée à mort par un premier tribunal.
L’affaire progresse lentement et les ajournements se succèdent. Deux politiciens de haut rang qui l’ont défendue sont assassinés : le 4 janvier 2011, le Gouverneur Salman Taseer, puis le 2 mars 2011, le Ministre des minorités religieuses Shahbaz Bhatti.
Le cas d’Asia Bibi a attiré l’attention internationale et on estime actuellement qu’un peu plus de 180 chrétiens purgent leur peine dans les prisons du Pakistan pour blasphème présumé. La situation de la minorité chrétienne pakistanaise reste préoccupante, car sous le couvert de l’octroi d’une relative liberté de culte pour les églises historiques, les chrétiens sont tout même fortement surveillés, discriminés à l’emploi et marginalisés. Ces dernières années, de nombreux chrétiens ont fui au Sri Lanka et en Thaïlande à cause des persécutions.