Les élections parlementaires d’octobre 2015 ont ramené les conservateurs du parti Droit et Justice au pouvoir. Déjà, lors de l’élection présidentielle de mai 2015, le conservateur Andrzej Duda avait remplacé le libéral Bronislaw Komorowski du parti Plate-forme civique. On se souvient que le chef de l’Etat polonais Lech Kaczynski était décédé dans un tragique accident d’avion survenu en avril 2010. Les élections anticipées qui avaient suivi cet événement ont amené au pouvoir le parti libéral Plate-forme civique, mais en 2014 Donald Tusk abandonne la responsabilité du gouvernement polonais pour la présidence du Conseil européen.
Ce geste et l’impopularité croissante des libéraux trop enclins à brader la spécificité polonaise, préparera le retour au pouvoir des conservateurs. Aujourd’hui c’est chose faite. Le parti Droit et Justice a obtenu 38 % des voix ce qui lui donne 238 sièges à la Diète soit la majorité absolue. Pour la première fois depuis la chute du communisme, un seul parti gouvernera la Pologne et la gauche ne sera plus représentée au parlement.

Très vite le nouveau gouvernement polonais a annoncé la couleur. Sous le feu des critiques, après le vote d’une loi sur les médias publics, le ministre des Affaires étrangères, Witold Waszczykowski, a affirmé qu’il voulait « simplement guérir » la Pologne après 25 ans d’« endoctrinement libéral ». « Comme si le monde ne devait automatiquement aller que dans un seul sens, selon un modèle marxiste – un nouveau mélange de cultures et de races, un monde de cyclistes et de végétariens, qui ne mise que sur les énergies renouvelables et combat toute forme de religion. Tout cela n’a rien à voir avec les racines polonaises traditionnelles », a-t-il ajouté. Au contraire, le parti Droit et Justice (PiS) soutient ce qui intéresse « la majorité des Polonais : les traditions, la conscience de son histoire, l’amour de la patrie, la foi en Dieu, en une vie de famille normale entre un homme et une femme ».

Il n’en fallait pas plus pour provoquer la panique à Bruxelles. D’ailleurs, le Premier ministre, Beata Szydlo, n’a pas laissé de doute sur ses sentiments vis-à-vis de l’Union européenne : « Nous allons mener une politique, tout en respectant notre appartenance à l’UE, en vue d’en tirer le maximum de profits pour les citoyens polonais, l’économie polonaise et notre patrie ». Cette crispation s’est manifestée encore récemment quand la Commission européenne a envoyé une lettre signée de son vice-président Frans Timmermans aux ministres polonais des Affaires étrangères Witold Waszczykowski et de la Justice Zbigniew Ziobro, pour leur demander de surseoir à la loi sur le Tribunal constitutionnel.

Timmermans demandait que la loi votée la veille par les députés ne soit pas définitivement adoptée ou « au moins qu’elle n’entre pas en vigueur avant que toutes les questions concernant son impact sur l’indépendance et le fonctionnement du Tribunal constitutionnel aient été pleinement et correctement évaluées ». En réponse, dans la nuit qui a suivi, le Sénat polonais a voté la loi et le président de la République Andrzej Duda l’a signée, puis a déclaré en conférence de presse que la réforme du fonctionnement du Tribunal constitutionnel renforce le rôle du Tribunal aux yeux du peuple polonais, sans faire allusion aux accusations de la Commission européenne. Il est vrai que l’Union européenne a perdu l’habitude de traiter avec des Etats souverains.

http://www.correspondanceeuropeenne.eu/2016/01/10/pologne-retour-des-interets-nationaux/