Plusieurs faits convergents sont venus démontrer qu’en France, l’avortement est devenu un tabou, une vache sacrée. Il est désormais des cadres où aucune contestation du « droit » des femmes à l’« interruption volontaire de grossesse » ne sera tolérée.
• La loi sur l’égalité femmes-hommes, définitivement votée le 24 juillet dernier, comporte une mesure de la plus haute importance symbolique. Elle efface du code de la Santé publique la notion de « détresse » qui, depuis la dépénalisation de l’avortement en 1974, était censé justifier le recours à l’« interruption volontaire de grossesse ».

Venant graver dans le marbre ce que des amendements successifs à la loi avaient peu à peu intégré dans le droit, la pratique, et l’opinion publique, cette mesure fait disparaître toute condition excusant l’atteinte au « respect de la vie » de l’enfant à naître pendant les douze premières semaines de la gestation.

C’est désormais la femme, seule, qui choisit d’avorter, de plein droit, et sans qu’on puisse lui opposer aucune limite ni restriction hormis un délai de réflexion assimilable au droit de se rétracter après un démarchage à domicile ou l’acceptation d’un crédit.

La modification apportée au nom de « l’égalité femmes-hommes » ne changera pas grand-chose dans les faits puisque tout concourait déjà à faire comprendre que l’avortement du premier trimestre est un « droit » des femmes. Il le devient à part entière, au nom du droit des femmes à ne jamais voir leur « égalité » avec les hommes entravée par le poids de la grossesse ou de la maternité.

Pour la même raison, cette loi étend le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse à l’empêchement d’accéder à l’information sur l’avortement, celle-ci étant comprise comme l’information sur la manière de l’obtenir, à l’exclusion de toute mise en garde sur sa réalité, ses dangers. Comme l’empêchement physique et les « pressions morales et psychologiques », cela est désormais puni de 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende.

• Dans la même logique, le ministre de la Santé Marisol Touraine vient d’exhorter les Agences régionales de santé à « garantir à chaque femme l’accès aux centres d’IVG pendant l’été et lever les obstacles territoriaux qui peuvent encore se dresser contre l’égalité d’accès des femmes à ce droit fondamental ».

Depuis l’élection de François Hollande l’avortement est remboursé à 100 %, après avoir été « revalorisé » de 50 % afin que les médecins puissent trouver un meilleur intérêt à le pratiquer. Cela ne suffit pas, comme le montre le choix de le présenter comme un « droit fondamental ».

Qu’elle soit juriste ou non, qu’elle sache ou non la portée de ces mots, Mme Touraine franchit en s’exprimant ainsi un cap décisif. Il y a en effet une différence entre « droit » et « droit fondamental ». On ne parle plus d’une faculté reconnue aux femmes de choisir de manière libre et autonome la suppression de la vie qu’elles portent, mais qui peut se trouver comme tout droit limité par celui d’autrui. Par le droit à l’objection de conscience, par exemple.

Le « droit fondamental », lui, est au niveau des droits de principe, des « droits de l’homme » dits « inviolables et sacrés ». Cela change fondamentalement la donne. Ne croyons donc pas que le communiqué du ministre a été rédigé ainsi par hasard.

• A partir du moment où l’avortement est un droit lié à la personnalité humaine, le contester même de manière aimable et indirecte devient une manifestation d’oppression et de tyrannie. La preuve par l’affaire « Chère future maman » : le Conseil supérieur de l’audiovisuel a réprimandé, fin juillet, plusieurs chaînes de télévision « coupables » d’avoir relayé une campagne de la Fondation Jérôme Lejeune.

Les chaînes TF1, Direct 8, M6 et Canal + avaient gracieusement diffusé ce spot sur la trisomie 21, Dear Future Mom, pour la Journée internationale de la trisomie le 21 mars. C’est le témoignage émouvant, magnifique, vrai, de quinze enfants et jeunes atteints de cette maladie génétique, mais avant tout des êtres humains heureux, qui répandent la joie, aimants et rayonnants. Avec plus de cinq millions de visionnages sur youtube, le clip a apporté la preuve qu’il répond à un besoin de vérité et de solidarité humaine.

Le CSA ne l’a pas contesté. Interpellé par des milliers de personnes après sa « réprimande », il a publié un communiqué pour reconnaître que ce « message présente un point de vue positif sur la vie des jeunes trisomiques ». Il assure encourager les « médias audiovisuels à donner une image profondément respectueuse » des personnes handicapées.

Mais le CSA a constaté que « ce message était susceptible de troubler en conscience des femmes qui, dans le respect de la loi, avaient fait des choix de vie personnelle différents. Il s’est borné à en tirer la conséquence que son insertion au sein d’écrans publicitaires était inappropriée ».

En clair : montrer des trisomiques heureux qui aiment leur mère, c’est exposer au regret et au remords les femmes qui ont légalement choisi « l’interruption médicale de grossesse ». Elles sont nombreuses en effet : 96 % des enfants à naître diagnostiqués trisomiques sont avortés…

Puisque c’est le « droit » des femmes, on ne saurait diffuser un message contraire. C’est la logique du droit positif français en vigueur. Comme l’observe Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme-Lejeune, dans un communiqué lucide et clair : « Le CSA ne dit pas n’importe quoi. Mais c’est plus grave. Il se tait devant l’eugénisme ».

http://www.correspondanceeuropeenne.eu/2014/08/10/france-lavortement-est-devenu-le-nouveau-tabou/