L’offensive euthanasique en France se poursuit obstinément, quoique sur un ton plus feutré depuis quelques semaines. L’immense mérite politique des attentats du début janvier aura sans aucun doute été de focaliser toute l’attention des médias, et surtout celle des masses, sur le péril terroriste « fasciste » puisqu’il est interdit d’appeler les choses par leur nom. Du coup, le reste de l’actualité, même la plus brûlante et la plus inquiétante pour l’avenir de la société française, s’est retrouvé quasi-occulté dans les médias.
Ainsi la proposition de loi Claeys Leonetti sur « la fin de vie » a-t-elle été examinée le 17 février dernier dans un silence assourdissant et une indifférence générale. Certes, il ne s’agit que du premier acte mais les commentateurs s’attendaient à une joute retentissante autour d’une législation qui, selon certains, n’allait pas assez loin et n’ouvrait pas de véritable « droit à mourir dans la dignité » pour employer la terminologie ambiante. L’affrontement n’a pas eu lieu et la législation s’est bornée à évoquer la « sédation terminale » de malades pour lesquels la médecine ne peut plus rien, sinon adoucir leurs souffrances.

En fait, cette bénignité n’est pas innocente. En l’état actuel, malgré une très éphémère remontée de sa popularité due aux événements de janvier, le gouvernement Hollande ne peut pas risquer de faire redescendre les Français dans la rue, comme lors du « mariage pour tous », cette fois contre l’euthanasie. Cependant, en ne réglant rien, en ne tranchant pas le fond du débat, en encourageant en sous-main la propagande en faveur de la piqûre létale, les socialistes savent ramener tôt ou tard la question sur le tapis, et, du moins l’espèrent-ils, à un moment plus favorable.

Cela explique pourquoi, avec le soutien appuyé du ministre de la Santé, Marisol Touraine, partisane déclarée de l’euthanasie, les solutions alternatives, tels les soins palliatifs, qu’il convenait de mettre en avant et soutenir financièrement, ont été laissées de côté et privées de financement, qu’il s’agisse de la formation des médecins et personnels soignants, ou des lits réservés à ces cas. Faute de soutiens appropriés, les grands malades incurables qui redoutent d’abord de partir seuls et de souffrir, choisiront, en effet, d’en finir « humainement et dignement », solution qui, on oublie de le souligner, réglerait en partie les problèmes d’argent d’un système de soins à bout de souffle de moins en moins désireux de prendre en charge les trois derniers mois de l’existence, les plus coûteux aussi …

C’est dans ce contexte que la télévision publique s’est longuement apitoyée sur le cas d’un homme qui a tué son épouse atteinte d’une maladie de Parkinson, parce que se voir diminuée était pour elle « une souffrance morale intolérable », puis sur celui d’une jeune paralytique, cancéreuse, sourde, aveugle dont la sœur réclame que l’on mette fin à ses souffrances… Toujours sur le même ton, sera diffusée bientôt une « fiction » télévisée mettant en scène la mort programmée d’une grand-mère, interprétée par Mylène Demongeot, ex-starlette des années 60 reconvertie en égérie du « droit à mourir dans la dignité ».

Aussi est-on à peine surpris d’apprendre qu’un hôpital des Pyrénées Atlantique envisage d’offrir du travail, sous surveillance, quand même …, à Nicolas Bonnemaison, cet urgentiste coupable d’avoir empoisonné sept de ses patients qu’il regardait comme des déchets irrécupérables. Notons que le praticien, acquitté en première instance mais dont l’affaire sera rejugée à l’automne en appel, a été définitivement radié et interdit d’exercer la médecine par le Conseil de l’Ordre. Car, et c’est la seule bonne nouvelle, une majorité de médecins français se refuse toujours à se voir transformée en bourreaux, fût-ce au nom d’une société « compassionnelle ». Mais pour combien de temps ?

http://www.correspondanceeuropeenne.eu/2015/02/28/france-chronique-de-la-culture-de-mort/

Anne Bernet