On appelle cela des « dérives » des lois d’euthanasie, mais ce n’en sont que des développements organiques. La dernière mode est de vouloir faciliter la chose pour les malades psychiatriques, les dépressifs, les « fatigués de vivre ». Pays-Bas, Belgique et Suisse, à divers degrés, sont en train de montrer à quel point les prétendus « garde-fous » de leurs lois ne sont que des paravents, destinés à masquer la logique interne d’une loi qui transgresse radicalement le commandement « Tu ne tueras pas ».
La section alémanique de l’association suisse d’aide au suicide, Exit, a décidé en avril de modifier ses statuts pour que des personnes âgées souffrant de pathologies multiplies liées à la vieillesse puissent obtenir potion létale et un lieu pour mourir. Il s’agit donc de dire que les ennuis du grand âge, petits ou grands, sont une raison suffisante pour entrer dans le champ de la loi suisse sur le suicide assisté qui, de fait, n’exige pas que le candidat soit atteint d’une maladie incurable ni qu’il soit en phase terminale. Jusqu’à présent, Exit et Dignitas, les deux « fournisseurs » suisses, faisaient figurer cette condition dans leurs statuts. La barrière commence donc à sauter.

En Belgique, c’est la pratique qui au fil des ans a révélé la véritable nature de la loi sur l’euthanasie, puisque les cas bizarres s’y succèdent à un rythme qui s’est accéléré ces derniers temps. Plusieurs cas ont défrayé la chronique : l’euthanasie d’une femme qui avait mal vécu une opération de changement de sexe, celle d’un couple qui ne voulait pas être séparée par la mort, celle de jumeaux handicapés quadragénaires qui, devenant aveugles, craignaient de ne plus se voir l’un l’autre… Cette réalité, à juste titre, fait les gros titres. Elle est présentée comme le signe d’un manque de contrôle et de rigueur de la part des autorités belges. Mais la médiatisation est à double tranchant, lorsqu’elle suggère que l’euthanasie serait acceptable si au moins elle était bien encadrée.

C’est bien plus rarement en effet que les pays francophones sont alertés sur l’évolution de la pratique de l’euthanasie aux Pays-Bas. Très précise, comportant de multiples conditions, appuyée par des mises à jour régulières et consolidée par le suivi systématique des commissions régionales de contrôle, la loi passe pour être un modèle du genre.

Pourtant la tendance néerlandaise est à l’élargissement continu par le biais « jurisprudentiel » des commissions de contrôle. Celles-ci ne censurent que très rarement des euthanasies qu’elles contrôlent a posteriori. Si bon nombre de médecins néerlandais restent peu enclins à pratiquer l’euthanasie sur des personnes dépressives ou atteintes de maladies psychiatriques – 60 % d’entre eux ont déclaré la chose « impensable » lors d’une enquête en 2012 –, la création d’une « clinique de fin de vie » destinée à accueillir les patients qui ont du mal à obtenir leur mise à mort de la part de leur médecin traitant a conduit à une multiplication de ces cas.

En 2011, on avait déjà compté 13 cas, puis 14 cas en 2012 pratiqués par des médecins traitants : tous ont été approuvés. En 2013, alors que les statistiques nationales n’ont pas encore été publiées, la clinique de fin de vie a pratiqué 9 euthanasies pour ce motif. Elle compte des psychiatres parmi ses équipes et propose même une consultation pour les malades de l’esprit désireux d’exprimer leur « désir de mort ».

Parmi les victimes : une femme qui avait la phobie de la saleté. Le parlement néerlandais débat de la nécessité de mettre en place des directives pour les psychiatres. Mais le fait est acquis.