Les avancées de la culture de mort se font par poussées dans divers pays du monde où elles se produisent à peu près à la même époque et selon les mêmes arguments, créant une sorte de convergence délibérée. Il en va ainsi des dons d’organes vitaux à l’occasion de « fins de vie choisies » : euthanasie, suicide assisté ou arrêt volontaire de traitements. On en parlait peu jusqu’à ces derniers mois : désormais, le sujet s’impose avec insistance dans plusieurs pays européens.
Aux Pays-Bas, où l’euthanasie est légale, la presse a salué le choix d’une femme victime d’une maladie cérébrale de coupler sa mise à mort avec le prélèvement de ses organes « utilisables » : reins, poumons, pancréas, foie… et son cerveau pour la recherche médicale.

La procédure de prélèvement d’organes vitaux est difficilement compatible avec celle de l’euthanasie qui exige normalement le passage d’un médecin légiste quelque temps après le décès : trop tard en tout cas pour que les organes puissent encore servir à qui que ce soit. Une exception a donc été mise en place pour permettre le geste « héroïque » de Dicky Ringeling, 51 ans, qui a obtenu de l’administration les autorisations nécessaires pour faire le « don de la vie » à cinq autres personnes en mourant.

Depuis lors, une normalisation de la procédure est en cours aux Pays-Bas où les hôpitaux Erasmus de Rotterdam et l’hôpital universitaire de Maastricht ont établi un protocole qui reste à approuver par les autorités, mais dont les médecins peuvent déjà se prévaloir. Tout est dans le raccourcissement des délais – il faut euthanasier à l’hôpital et livrer le corps aux équipes de transplantation dans les meilleurs délais après le constat de la mort – et dans la démocratisation de l’idée qu’il serait « dommage » de se priver de cette source d’organes alors que la demande est si forte.

En Belgique, le prélèvement de poumons et d’autres organes se fait déjà depuis quelques années dans le cadre des euthanasies.

Dans les deux cas, c’est la multiplication de « morts choisies » qui interviennent dans le cadre d’une affection neurologique ou psychiatrique qui rendent possible ces prélèvements d’organes sains dans un vivier qui tend à s’accroître…

En Suisse, le sujet est aussi à l’ordre du jour avec un plaidoyer du Conseil d’éthique clinique des hôpitaux universitaires de Genève en faveur du prélèvement dans le cadre des retraits thérapeutiques en soins intensifs. L’idée est de multiplier les « dons à cœur arrêté » – en envisageant de l’étendre dans le futur aux suicides assistés – en raccourcissant le délai du constat de la mort.

Sans complexes, l’article souligne que « la définition de la mort a évolué dans le temps en relation avec les critères nécessaires pour le prélèvement d’organes en vue de la transplantation ». On a notamment abandonné la notion de mort constatée lors de l’arrêt de la circulation et de la respiration pour pouvoir prélever des organes « à cœur battant ». Aujourd’hui on veut rouvrir l’autre voie, celle de la mort cardiaque, pour récupérer bien vite des organes sur des gens dont le cœur a cessé de battre, en s’interdisant toute tentative de réanimation puisque la mort est attendue, voire voulue.

Or il va de soi qu’on ne peut réanimer quelqu’un qui est vraiment mort : il s’agit donc de brûler une étape… La même suggestion s’est faite parallèlement en France où le centre hospitalier d’Annecy Genevois a reçu l’accord de l’Agence de biomédecine pour faire ce genre de prélèvements « à cœur à peine arrêté » dans le cadre d’un arrêt de traitement décidé selon les dispositions de la loi Leonetti.

Tout cela s’inscrit dans le cadre plus large du discours sur les « soins inutiles » ou « futiles » : non seulement il faut les arrêter, il faut les rentabiliser…

http://www.correspondanceeuropeenne.eu/2014/12/30/europe-don-dorganes-et-euthanasie-une-combinaison-de-plus-en-plus-actuelle/