Le site antinégationniste phdn.org a eu l’heureuse initiative de mettre en ligne l’ouvrage de l’historien Léon Poliakov (1910-1997) « De Moscou à Beyrouth, la ». En ces temps mouvementés au Vatican, on relira avec intérêt comment une propagande islamonazie a pu dévier le cours d’un Concile. Voici un extrait du Chapitre 3 (la voix des Arabes) : le pseudonyme Maurice Pinay masquait des nazis réfugiés au Caire et convertis à l’islam. Tapis aux portes d’Israël, ils reprirent depuis l’Egypte leur propagande antisémite, en collusion avec les islamistes.

Léon Poliakov

Les Arabes sont un peuple méditerranéen, et comme tel, porté à l’hyperbole, surtout en matière politique. La langue arabe, qui de tout temps a excellé dans l’art de la rhétorique, se prête encore mieux que la langue hébraïque aux images expressives, dont les appels à la guerre sainte peuvent faire partie. Ces appels invoquent volontiers un glorieux passé, et c’est ainsi que le 15 mai 1948, lorsque la coalition des armées arabes se lança à la conquête d’Israël, les radios arabes annonçaient :

« Ce sera une guerre d’extermination mémorable, que l’Histoire relatera au même titre que les massacres des Mongols ou des Croisés » (cité par la B.B.C.).

Mais les Juifs étaient des ennemis d’un autre genre que les Mongols ou les Croisés, puisque ennemis méprisables au premier chef. Un bref rappel de la relation judéo-arabe à travers les siècles s’impose ici.

La relation judéo-arabe

Cette relation était moins inextricable — et moins paradoxale — que la relation judéo-chrétienne, puisque l’Islam ne se réclamait nullement de l’Ancien Testament des Juifs. Le principe général se trouve posé dans le Coran: les païens doivent être passés au fil de l’épée, mais les « peuples du livre », c’est-à-dire les chrétiens et les Juifs, doivent être épargnés: tolérés à titre de protégés («dhimmi»), ils sont astreints à payer tribut aux vrais croyants, et à témoigner de diverses manières de leur soumission et de leur infériorité. Dans ces conditions, les Juifs, moins nombreux que les chrétiens, n’eurent pas le désastreux privilège d’être les seuls infidèles, les seuls boucs émissaires; ils n’en furent pas moins souvent persécutés, et en règle générale méprisés: «yahoudi» avait en arabe à peu près la même tonalité que «youtre» ou « jid » dans les idiomes européens. D’autant que le Coran n’est pas tendre pour ces infidèles-là, qui ont récusé l’enseignement du Prophète :

« Nous les avons maudits, et nous avons endurci leurs cœurs. Ils ont détourné de leur sens les paroles de leurs Écritures, et ils ont oublié une partie de ce dont ils devaient se souvenir. Ne cherche pas à connaître leur perfidie; il en est peu qui fassent exception… »

Il y avait de quoi, pour les théologiens musulmans, justifier la destruction de l’État juif, et ils s’y emploieront en temps utile. En attendant, cela suffisait pour que les chefs des États arabes veuillent se venger d’une défaite militaire infligée par des êtres aussi méprisables. D’ailleurs, seul un complot mondial pouvait raisonnablement expliquer pareil renversement des rôles.

Il est d’autant plus remarquable que la Philosophie de la révolution (1952), écrit prétendument « Goebbelsien » de Gamal Abdul Nasser, qui exhortait les Arabes à rétablir leur antique hégémonie, ne manifestait pas d’animosité particulière envers les Israéliens. Toute sa rancune, toute sa haine allaient alors au colonialisme authentique, c’est-à-dire à la Grande-Bretagne, et il ne se cachait pas d’avoir conspiré en 1941-1943 avec les nazis, au nom de la liberté égyptienne. En 1952, les « forces hostiles » restaient pour lui les impérialistes occidentaux. Israël n’était que « le nouveau-né de l’impérialisme », engendré par la perfidie britannique. Comme l’a formulé M. Eric Rouleau, «Nasser a presque toujours placé la Palestine au second plan de ses préoccupations».

Si l’on regarde les textes de près, ce n’est qu’en 1955, l’année de Bandoeng, que la propagande anti-israélienne s’exaspéra au Caire:

« Notre guerre contre les Juifs est une vieille lutte, qui débuta avec Mahomet… Notre devoir est de nous battre contre les Juifs, pour l’amour de Dieu et de la religion, et il est de notre devoir d’achever la lutte que Mahomet a entreprise… » (Al Ahram, 26-11-1955).

« Israël rêve d’établir son régime criminel, de réduire le monde entier en esclavage et de répandre terreur et corruption afin de s’assurer la domination du monde… La Bible d’Israël prêche une barbarie inhumaine, symbolisée par la crucifixion du Christ et la torture de ses disciples… » (Voix des Arabes, 6-8-1956).

Ou encore:

« Dieu a rassemblé les sionistes des quatre coins du monde, de sorte que les Arabes puissent les anéantir d’un seul coup… » (6-9-1956).

À la veille de la guerre de Suez, les Turcs étaient eux aussi mis en cause:

« La raison de la haine des leaders turcs envers les Arabes est à chercher dans leurs origines juives… » (Al Ahram, 29-9-1956).

En même temps, des fedayin formés par le gouvernement égyptien dans la bande de Gaza poursuivaient leurs incursions dans le sud d’Israël, multipliant les massacres et les brigandages; un jeune étudiant apparenté au Mufti de Jérusalem, Yasser Arafat, fit à ces occasions ses premières armes de terroriste. S’imagine-t-on les réactions françaises, si des irrédentistes italiens se mettaient à pratiquer à Nice ou à Cannes un terrorisme aveugle ? Les réactions israéliennes se donnèrent libre cours en octobre 1956, lorsque Londres et Paris, ces «frères majeurs», tentèrent, après la nationalisation du canal de Suez, d’abattre le régime révolutionnaire de Nasser. Mais comme on le sait, cette aventure militaire fut stoppée net, sur l’ordre conjoint du président Eisenhower et de Nikita Khrouchtchev. Pourtant, le général Dayan conquit en trois jours le désert du Sinaï, et ne se retira que moyennant des garanties internationales: un rideau de «Casques bleus» de l’O.N.U. mit provisoirement fin à la guérilla arabe. Mais non à l’agitation antisémite. Tirant leurs conclusions des « contradictions impérialistes », l’Égypte et la Syrie décidaient de s’équiper en armes ailleurs, et devenaient les clients attitrés de Moscou.

La propagande anti-israélienne

En ce qui concerne la propagande anti-israélienne, les états arabes préférèrent s’adresser aux spécialistes chevronnés du IIIe Reich. Accommodés au goût arabe, les ouvrages nazis classiques, Mein Kampf compris, furent désormais publiés au Caire et à Beyrouth: cent millions d’Arabes, sans compter les Pakistanais ou les Indonésiens, ne représentaient-ils pas un marché immense ? Les ex-adjoints de Goebbels, Johannes von Leers, Leopold Gleim, Ludwig Heiden, se convertirent à l’Islam et s’établirent sur place. Des traités indigestes commencèrent à faire leur apparition en arabe et en anglais: Talmudic Human Sacrifices (1962), The Danger of World Jewry for Islam (1963), Why I hate Israël (1964), Sexual Crimes of the Jews (1965), et bien d’autres. Mais ce n’est pas à eux qu’il faut accorder la palme.

Disons d’abord quelques mots du coup d’éclat de Léopold Gleim et Ludwig Heiden qui, lors du concile Vatican II, parvinrent à entraver les efforts entrepris par le pape Jean XXIII pour rendre pleinement justice aux Juifs. Le schéma théologique primitif, rédigé par le cardinal allemand Augustin Bea, envisageait de confirmer leur lien spécial avec la terre ancestrale, et de préparer la reconnaissance de leur État par le Saint-Siège. Pour déjouer ce projet, Gleim et Heiden rédigèrent un ouvrage intitulé Le Complot contre l’Église, qui fut diffusé à l’échelle mondiale. Ils avaient tiré de leur sac toutes les vieilles ficelles nazies: le cardinal Bea était juif, ses collègues occidentaux avaient été bernés ou corrompus, l’Église romaine était entachée de l’hérésie judaïque. Du Moyen-Orient à l’Amérique latine, nombre de prélats se laissèrent impressionner, et au Concile, les protestations et les amendements fusèrent. En résultat de quoi, les Arabes eurent gain de cause sur tous les points proprement politiques.

Les Protocoles des Sages de Sion

Pourtant, cette victoire fut éclipsée par le prodigieux succès des Protocoles des Sages de Sion. La première traduction arabe d’après-guerre était publiée en 1951, et rééditée en 1957; l’année suivante, Nasser en personne offrait un exemplaire anglais au rédacteur du journal indien Blitz; des extraits étaient insérés dans les manuels égyptiens à l’usage des lycéens et des officiers. Le nombre total des éditions arabes connues dépasse la dizaine. Celle de Beyrouth 1967 devint le best-seller des ouvrages documentaires. L’écrit retrouvait de la sorte sa gloire d’antan. Rappelons que sa raison première avait été de mettre en garde les tsars contre la montée des régimes démocratiques; vingt ans après, il avait servi à justifier la grande peur bourgeoise, préparant le terrain pour le IIIe Reich; voici qu’il venait consoler les Arabes de leurs défaites.

J’ai devant moi un exemplaire de l’édition de Beyrouth 1967, offerte en 1974 par le roi Fayçal d’Arabie aux diplomates et journalistes français, lors du voyage de M. Michel Jobert. Calquée sur une version française de 1925, cette édition en conservait la préface, où les Sages de Sion étaient accusés d’être les fauteurs du bolchevisme. Mais un avant-propos de M. Faëz Ajjaz, qui n’avait cure ni de Marx, ni de Trotski, contenait un message autrement grave :

« L’année 1967 fera date — sans doute — dans l’histoire du Moyen-Orient arabe en particulier, et dans l’histoire de l’humanité en général… »

« Car c’est au cours de cette année, et plus précisément le 5 juin 1967, que le peuple de Sion confirma, pour la première fois de son histoire, l’authenticité d’un document publié en 1905 et qui n’a cessé depuis sa parution de faire couler un flot d’encre et de soulever un ouragan de polémiques […]. »

« Je voudrais simplement rappeler aux lecteurs de cet ouvrage l’attitude pro-juive et anti-arabe adoptée par la majorité des peuples de l’Europe et de la communauté chrétienne dans le monde, au cours des événements de juin 1967, et les mettre à nouveau en présence du danger réel que représente Israël, non point pour les Arabes et les musulmans seuls, mais surtout pour les chrétiens et l’humanité tout entière… »

« Puisse la divinité éclairer tous les chrétiens du monde à réaliser le danger, et à unir leurs efforts aux nôtres pour le bien de la race humaine tout entière. »

Source : www.dhimmi.watch

 

Textes de Futur CH en relation avec ce sujet :

Le principe de l’abrogation dans l’islam : fondement de la violence (M. Hikmat)

Une réforme de l’islam : possible ou impossible ? – Stiftung Zukunft CH (S. Keshavjee)

Les appels au combat en islam