Avec la crise du Covid-19, le mythe d’un monde globalisé où tout fonctionnerait sans heurts a bruyamment volé en éclats. On s’aperçoit que le progrès scientifique et la coopération économique ou sociale ne sont pas les seuls à se rire des barrières : les virus et les pandémies aussi. De quoi modérer l’engouement général pour les frontières ouvertes et la mondialisation.

Regula Lehmann

Pendant quelques semaines en tout cas, une majorité de Suisses a troqué de bonne grâce la liberté contre la sécurité. Le télétravail a remplacé les journées au bureau, les petits ont été gardés à domicile plutôt que déposés au jardin d’enfants, l’école s’est déroulée à la maison. Celle-ci se faisait lieu de retraite et d’apprentissage, tandis que la vie sociale était réduite au strict minimum. On découvrait à quelle vitesse le sentiment de contrôle total et celui de connexion sans limite peuvent s’évanouir, témoins la ruée sur les magasins et l’effondrement de la Bourse. La pénurie de matériel de protection, les marchandises en attente ou même bloquées aux frontières, tout cela a montré combien il est primordial de pouvoir fabriquer et stocker les biens de première nécessité et le matériel médical dans notre propre pays. Depuis des années, les agriculteurs s’entendaient dire qu’ils produisaient trop. Et voilà qu’en quelques semaines, la cote des aliments locaux prend l’ascenseur. Les vendeurs de produits bio et les petits magasins de village enregistrent des chiffres d’affaires record, les points de vente directe à la ferme ne savent plus où donner de la tête pour satisfaire une clientèle régionale apparue comme par magie … On redécouvre les vertus du « swiss made », à en croire les réactions enthousiastes à l’appel d’Ueli Maurer lors de la session extraordinaire du parlement consacrée au coronavirus. Le conseiller fédéral en charge des finances avait engagé les députés, pour créer un nouvel élan, à donner l’exemple en passant leurs vacances dans ce pays merveilleux qui est le nôtre. Quelles leçons retenir de cette crise ? Il nous faut chérir ce dont nous avons été comblés, reconnaître la nécessité de renforcer la cohésion nationale, préserver une saine indépendance. À quoi bon courir le monde alors que tant de bonnes choses sont à portée de main ?