John Paul Meenan, professeur assistant de théologie et de sciences naturelles à l’université catholique Our Lady Seat of Wisdom au Canada, vient de publier une critique cinglante du revenu universel, qu’on appelle « revenu garanti » dans l’Ontario où plusieurs collectivités régionales l’ont mis en place sous forme de plan pilote.

Par Anne Dolhein

Les communautés de Hamilton, Lindsay et Thunder Bay rejoignent ainsi les localités américaines ou européennes qui ont mis en place des expériences similaires en vue de populariser un projet qui a les faveurs d’un nombre croissant de politiques, à droite comme à gauche.

Sous sa forme canadienne, le revenu garanti est une somme versée aux foyers selon leur composition, indépendamment de leurs revenus ou absence de revenus, sans aucune condition d’utilisation. L’idée volontiers avancée est que cela met fin à toute la paperasse et aux vérifications liées à l’attribution d’allocations sociales de solidarité, que ce soit pour le handicap, le chômage ou toute autre raison, en assurant à chacun une subsistance minimale qui le rend participant à la richesse nationale. On imagine les économies de fonctionnaires et le temps gagné.

« Cela peut paraître trop beau pour être vrai, puisque l’argent ne pousse ni sur les arbres, ni dans les coffres du gouvernement. A tout le moins, comme la plupart des projets fantastiques, c’est trop beau pour être une bonne idée », note Meenan.

Une idée prisée à droite comme à gauche

Pour lui, l’affaire fait par trop penser aux panem et circenses de Néron : il cherchait à « remplir les panses de nourriture bon marché et les esprits de divertissements bon marché, qui se renforceront mutuellement pour rendre les gens dociles, même si l’aboutissement de tout cela, peut-être non désiré, est de produire tout une génération indolente, sauvage, insatisfaite et misérable ».

Fixé à 1.320 dollars (environ 885 euros) par personne, « généreusement » abondé en cas de présence d’enfants au foyer, le revenu garanti permet sans doute de vivre ou au moins de vivoter convenablement. « Je dis “généreusement” à dessein, puisque l’opération est indolore pour les bureaucrates distribuant cette largesse. C’est la plaisanterie de la grande Maggie Thatcher : “Le problème du socialisme c’est qu’avec le temps on arrive au bout de l’argent d’autrui.” Les enfants peuvent dès lors avoir leurs deux parents à la maison à plein temps, parents qui n’auront jamais besoin de sortir sinon peut-être pour faire les courses alimentaires ou aller dépenser une partie de leur allocation chez McDonald’s », ironise le professeur.

D’où vient l’argent ? A propos de cette question « pertinente », Meenan répond : « Ceux qui vivent dans les limites étroites d’un revenu “gouvernemental” se la posent rarement de manière profonde, à ce que je constate. Je suppose qu’ils ont la vague idée de pouvoir augmenter la part qu’ils prélèvent sur la rémunération de ceux qui travaillent pour vivre, ces “travailleurs” dont parle Léon XIII dans Rerum Novarum, “par le travail desquels les Etats s’enrichissent”. Ce disant il désigne tous ceux qui manufacturent des biens et des produits, la vraie richesse, que l’on peut échanger sur le marché libre. »

La critique catholique de l’assistanat universel

Mais le niveau auquel ces travailleurs peuvent contribuer à toutes les formes de gâchis inventés par des bureaucrates a déjà été « largement dépassé », fait-il observer. « Notre gouvernement en pleine métastase dépense bien au-delà de ses moyens depuis le milieu du XXe siècle », critique Meenan, notant qu’aujourd’hui il est prêt à subventionner n’importe quoi, depuis l’achat de couches jusqu’à l’assurance maladie universelle et gratuite, depuis le coût du bilinguisme jusqu’à « l’éducation ».

Le résultat ? L’endettement. Cette dette que les gouvernements tentent de rendre psychologiquement plus acceptable sous le vocable du « déficit ». Celui-ci, toujours plus lourd, les gouvernements modernes ne cherchent pas à le rembourser, mais à le financer par le paiement indéfini des intérêts – pour le plus grand intérêt de la Haute finance, qui par là-même accroît aussi son pouvoir sur les Etats.

Mais ce n’est même pas le plus grave. « Bien plus fondamentalement se pose la question des conséquences sur l’âme humaine, sur la personne humaine et spécialement à la moitié mâle de la population, de la dépendance envers gouvernement. Voici le hic : les sociétés sont constituées de familles, et non d’individus, et comme l’a dit Jean-Paul II dans Evangelium vitae, “Une politique familiale doit être la base et la force agissante de toute politique sociale”. Pour éviter toute confusion : une famille, c’est “un mari et une femme avec leurs enfants”, où il est naturel et bon que la mère reste à la maison pour élever les petits, et que le père subvienne aux besoins de ce foyer par le biais de cette notion bientôt surannée du travail rémunéré », rappelle Meenan. Tel doit être le « paradigme », quelles que soient les exceptions inévitables, en vue de « former toute société saine ».

Revenu universel = démotivation universelle

« Le pire aspect du revenu garanti, c’est qu’il sapera la volonté, la force et la vitalité du peuple. On pourrait penser : pourquoi un tel revenu minimum ne soutiendrait-il pas les familles en difficulté ? Peu sont ceux qui nieraient que les familles ont en effet besoin d’aide et de soutien, mais ce dispositif gigantesque d’assistance sociale nous rendra tous, effectivement, pupilles de l’Etat, en remplaçant le père et la mère, en nous possédant, au fond, en nous disant ce que nous pouvons faire et ne pas faire. Après tout, si la docilité n’est pas au rendez-vous, ils peuvent tout simplement fermer la bonde à billets, et alors… quoi ? », demande l’auteur.

Et de noter que le nombre de familles propriétaires ne cesse de décroître, tandis que celles qui le sont toujours sont soumises à des taxes et des « réglementations byzantines » qui leur « dictent la manière d’élever leurs enfants et surveillent ce qu’elles peuvent dire et écrire ».

Il poursuit : « Si la “propriété privée” signifie quelque chose, c’est un lieu où l’on est libre, non seulement de vivre, mais d’assurer la subsistance, de maintenir et parfaire cette propriété et tous ceux qui y vivent, par le travail que l’on réalise. Une bonne part de cette liberté consiste à obtenir des revenus par ses compétences et ses talents, de manière à voir le fruit de son labeur. Sans quoi la liberté n’existe pas, et reste un mot vide. Car sans la liberté de façonner sa vie comme on l’entend, en utilisant les dons que Dieu nous a donnés selon notre conscience, il ne peut y avoir de perfection. Etre payé à ne rien faire doit sembler assez débilitant même aux yeux d’un socialiste indécrottable. Nous sommes tous en danger assez proche d’être emmaillotés jusqu’à en mourir. »

C’est une « pyramide à la Ponzi », note Meenan, qui risque de s’écrouler sous son propre poids, seule consolation que l’auteur préfère voir évitée : mieux vaut « se rendre compte de sa non-viabilité avant qu’il ne soit trop tard ». « Bien user de notre liberté, et protéger cette liberté, exige un dur labeur et, sans incitation, ce labeur n’est que trop facilement esquivé. “A la sueur de ton front”… »

Eh oui : ce sont tous les commandements de Dieu qui sont un à un rejetés sous couleur de faire du bien aux personnes et aux peuples !

Source et auteur: Réinformation.tv