Le mariage ? Possible même avant la majorité sexuelle. Le sexe ? Une pure construction sociale. La répartition hommes-femmes ? Une injustice flagrante. À Romont, un cours d’éthique a entraîné une « investigation » du canton. Et une mise au point.
Raphaël Pomey, rédacteur en chef du journal Le Peuple
« Même si tu as moins de 16 ans, cela signifie que tu as le droit de te marier ou non. » Dès la page deux, le ton est donné : le document récemment transmis à des élèves de 11H (14-15 ans) à Romont pousse loin le militantisme. En vingt pages, ce support d’un cours d’Éthique et cultures religieuses (!) accumule les doctrines les plus avancées du progressisme en matière de genre, quitte à lâcher quelques contre-vérités.
Un contenu ahurissant
Dans ce document transmis au Peuple, les droits des mineurs sont présentés d’une manière qui interpelle. On y apprend que les adolescents ont le droit de « vivre leur sexualité », d’avorter, de choisir leur identité de genre et de remettre en cause toute distinction biologique entre hommes et femmes, le tout dans un style qui fait la part belle à une mise en scène infantilisante. Ainsi, une image de licorne violette en page trois est utilisée pour faire passer le message que le sexe serait « assigné » à la naissance – donc le résultat d’un choix des médecins – et non pas un simple constat médical. Un endoctrinement en douceur, presque cartoonesque, qui tient pour acquis une vision où tout serait interchangeable et malléable. Que d’éventuels débats scientifiques et médicaux existent, y compris dans certains courants féministes, les élèves n’en sauront rien.
En page quatre, un autre visuel présente « René », qui s’identifie comme homme, est né intersexué et se montre attiré à différents degrés par les autres genres. Cet exemple flou semble vouloir encourager les élèves à percevoir leur propre identité comme un spectre mouvant, sans cadre fixe. Sous le dessin de René, la consigne pousse les élèves à accumuler des catégories identitaires, comme on modèle un personnage de jeu vidéo.
Un dernier exemple pour la route ? En pages cinq et six, les élèves sont amenés à commenter la vie de deux personnes trans, notamment l’impossibilité pour Eliot de faire l’armée. « Malgré ses bons résultats lors du recrutement, pourquoi Eliot a-t-il été jugé inapte par l’armée ? Pourquoi est-ce injuste ? », demande le document, qui transforme un cas individuel en injustice systématique. Un cadrage hautement autoritaire qui suppose d’emblée que l’armée est un visage du mal et que la réflexion critique de l’élève ne doit aller que dans un sens. Vous avez dit rééducation politique ?
Les exemples de ce genre abondent. La plupart décrivent un monde où toute interaction sociale peut être source d’oppression, plutôt que d’apprendre aux élèves à naviguer avec intelligence et maturité dans la société. Le document encourage une hypersensibilité qui peut rendre plus difficile la gestion des réalités du monde adulte.
Une réaction rapide des autorités… mais pas de tout le monde
Mobilisé dans le cadre de notre enquête, le Service du médecin cantonal a rapidement pris ses distances : ce document n’a jamais été validé par les instances officielles et ne figure pas parmi les supports reconnus en matière d’éducation sexuelle, dispensée en 10H sur ce type de thème. « La responsable des cours n’a jamais vu ce document », nous écrit-on en gras. Il ne figure pas non plus parmi la documentation officielle des cours d’Éthique et cultures religieuses.
Après investigation, la Direction de la formation et des affaires culturelles nous a expliqué qu’il s’agissait d’une « initiative personnelle » de deux enseignants du cycle d’orientation de la Glâne. « Selon notre analyse et celle du service de l’enseignement, il s’agit d’une erreur dans le choix de cette thématique pour des cours d’Ethique et cultures religieuses », précise Marianne Meyer Genilloud, secrétaire générale adjointe Direction de la formation et des affaires culturelles (DFAC). Ladite erreur a déjà été corrigée, et les élèves informés de la situation vendredi dernier.
Quant à l’affirmation selon laquelle les enfants de moins de 16 ans peuvent se marier, « manifestement erronée », elle se trouve dans un document de l’organisation faîtière des centres de santé sexuelle et des services d’éducation sexuelle en Suisse, Santé Sexuelle Suisse. La fondation, présidée par la conseillère nationale verte vaudoise Léonore Porchet, n’a pas répondu à nos questions, pourtant transmises le 12 février dernier. L’élément problématique lui sera toutefois communiqué par le DFAC.
Une erreur vraiment isolée ?
L’explication officielle est rassurante : il s’agirait d’un simple écart pédagogique, d’une initiative maladroite sans lien avec le programme cantonal. Mais cette affaire révèle un problème plus profond : comment un document aussi radical a-t-il pu être utilisé en classe sans que personne ne réagisse ?
Pour Isabelle Favre, secrétaire cantonale de l’UDC Fribourg, ce dérapage n’est pas anodin. Ces dernières années, l’UDC a reçu de nombreux témoignages de parents inquiets face à l’orientation militante de certains cours d’éducation sexuelle et de sensibilisation au genre. Cette affaire n’est donc peut-être que la partie émergée de l’iceberg. Elle-même, en retirant son enfant d’un cours d’éducation sexuelle qu’elle percevait comme trop orienté, s’était naguère vu répondre que sa progéniture serait fatalement marginalisée dans la cour d’école. Comme s’il y avait une bonne et une mauvaise marginalisation : celle des enfants de conservateurs, et celle des personnes en questionnement de genre. Comme si, aussi, il ne fallait pas prévenir les deux…
La suite ?
Dans le canton de Fribourg, notre enquête fait grenouiller. D’après le secrétariat de l’UDC, le conseiller national Nicolas Kolly devrait prendre position dans les prochains jours. L’UDC exige des garanties pour que de tels supports ne puissent plus se retrouver entre les mains des élèves. Affaire à suivre.
Source : https://lepeuple.ch
Pour en savoir plus, consultez les publications de Futur CH :
Brochure :
Guide : protéger efficacement les enfants de la pornographie
Bulletins d’information :
Les enfants « transgenres »
Plaidoyer pour le mariage