Le 7 janvier dernier se tenait à Strasbourg l’audience de la Cour européenne des droits de l’homme concernant « l’affaire » Vincent Lambert, ultime épisode du tragique affrontement opposant les parents de ce jeune handicapé à son épouse et à une équipe médicale décidées à le « laisser mourir », euphémisme sous lequel se cache une forme lente et atroce d’euthanasie.
Vincent, victime d’un accident de moto, se trouve depuis huit ans dans un état de conscience altérée et dans l’incapacité de communiquer avec son entourage. Son très lourd handicap, dont le pronostic laisse peu d’espoirs d’amélioration, même si des récupérations spectaculaires interviennent parfois tardivement, a conduit les médecins de l’unité de soins palliatifs de l’hôpital de Reims à juger que sa vie ne méritait plus d’être vécue ; il était donc « humain » d’y mettre un terme.

Détournant les dispositions de la loi Leonetti sur la « fin de vie », car Vincent n’est nullement à l’agonie, pas plus qu’il n’est « maintenu artificiellement en vie », n’étant relié à aucun appareillage médical, sans en informer son père, lui-même médecin, et sa mère, on a, voilà deux ans, cessé d’alimenter le jeune homme. En effet, solution de facilité, Vincent, ayant recouvré la capacité de déglutir mais pas de s’alimenter seul, est nourri par sonde gastrique, procédé abusivement assimilé à de « l’obstination déraisonnable ».

Une première décision de justice, arrachée de haute lutte près du juge administratif, a obligé les médecins, après trente et un jours de privation de nourriture, à réalimenter leur patient. Il n’en faut pas tant, d’ordinaire, s’agissant de malades véritablement fatigués de vivre, pour les tuer. Vincent a survécu.

Le 24 juin 2014, l’appel interjeté par ses médecins et son épouse devant le Conseil d’État a pourtant autorisé l’hôpital à reprendre la procédure interrompue, donc à le tuer. Décision dont ses parents ont fait appel devant la cour européenne, celle-ci statuant sans recours possible désormais. Autant dire que ses juges tiennent entre leurs mains, non seulement la vie de Vincent Lambert, mais aussi celles de milliers de traumatisés crâniens en Europe, voire celles d’handicapés ou malades dont la société pourrait, demain, estimer qu’elles ont perdu toute valeur …

La décision définitive a été mise en délibéré, sans qu’une date précise soit avancée pour son énoncé.

Face à la gravité extrême de la situation, le professeur Xavier Ducrocq, neurologue, et le docteur Bernard Jeanblanc, spécialisé dans les soins aux personnes dans l’état de Vincent et qui l’aurait admis dans son établissement sans le refus du CHU de Reims à ce transfert, ont publié le 6 janvier dernier dans le Figaro Vox, consultable en ligne, un « plaidoyer pour Vincent Lambert » expliquant le véritable état du patient, et les enjeux d’une affaire qui dépasse son cas individuel.