Comment alerter les hommes de notre temps face au transhumanisme ? Améliorer l’homme est devenu un objectif auquel les médias, et une belle part de nos contemporains adhèrent. Qui pourrait s’en plaindre ? Eliminer la souffrance, la maladie, le handicap et pourquoi pas la mort, quelle noble cause !
Le petit livre, dense, aussi captivant qu’une enquête policière que Jean-Marie Le Méné vient de consacrer à la question explose le mythe de la bienveillance des transhumanistes à travers un exemple, un seul. Il suffit, tant il est énorme : il s’agit du génocide eugéniste des trisomiques, ou la manière dont le transhumanisme a décidé d’en finir avec cette maladie de l’intelligence. C’est ce que dénonce avec raison et passion Les premières victimes du transhumanisme (Jean-Marie Le Méné, Les premières victimes du transhumanisme, éd. Pierre-Guillaume de Roux, Paris 2016, 176 pages, 19,50 euros).

« Le transhumanisme » impose-t-il directement de telles décisions, ces arrêts de morts pour un « génocide bienveillant » ? A vrai dire, et c’est un des grands mérites de Jean-Marie Le Méné de le montrer, il n’est nullement besoin d’un tel projet imposé d’en haut pour que tombent « les premières victimes ». Il suffit d’une double tentation : faire « disparaître » une maladie tout en engrangeant les profits considérables que dégagera l’opération. La peur – entretenue et alimentée par la société et la communauté médicale – des parents et surtout des mères de donner naissance à un enfant trisomique sert alors de catalyseur.

C’est pourquoi Jean-Marie Le Méné a sous-titré son ouvrage de ces mots qui reviennent comme un leitmotiv, à la fin de chaque chapitre : La Ruée vers l’Or des Mongols. Apparemment énigmatiques, ces mots décrivent une terrifiante réalité : le marché du dépistage de la trisomie 21 est gigantesque, il « pèse » des millions de dollars. A mesure que les tests se font plus fiables et moins chers – aujourd’hui on peut « profiter » d’un test qui se fait sans risque pour l’enfant à naître (autre que celui, définitif, de le vouer à la mort si le test est positif…) à partir d’une simple prise de sang sur la mère – ils se démocratisent. Aujourd’hui, 96 % des trisomiques dépistés en France sont tués dans le ventre de leur mère, le plus souvent par le biais d’avortements tardifs, dits « médicaux ».

Avec le test sanguin, dont les inventeurs et promoteurs américains attendent avidement le remboursement par la sécurité sociale française, laboratoire géant où l’on pourra demain viser 100 % de petits trisomiques tués avant leur naissance – l’avortement peut se faire pendant les 12 premières semaines de grossesse où l’IVG est un « droit ». Ni vu ni connu.

Ce sont donc, dit-il, les ressorts du marché et de l’ultra-libéralisme qui expliquent ce glissement rapide vers l’inhumanité la plus barbare. Cette logique-là, nos contemporains la comprennent mieux et sont peut-être plus aptes à la rejeter que l’idée même de l’avortement « médical », plus prompts à comprendre que la réalité de l’avortement et même la souffrance des mères qui avortent. D’où ce récit sans émotion, sans les arguments ordinaires des défenseurs de la vie parmi lesquels le président de la Fondation Jérôme-Lejeune se range pourtant sans conteste. Il entraîne le lecteur dans les pratiques financières immorales, parfois criminelles des développeurs des tests de dépistage : cela suffit.

On peut regretter que Jean-Marie Le Méné se soit arrêté là. Derrière l’appât du gain, se servant de lui, il y a une haine fondamentale de la loi de Dieu qui est à l’œuvre. Mais à vrai dire il le suggère dans les lignes les plus frappantes de son livre, en rappelant ce que le cardinal Ratzinger lui dit jadis sur le châtiment qui attend les sociétés qui se construisent sur l’injustice à l’égard des plus faibles.

http://www.correspondanceeuropeenne.eu/2016/05/31/livres-les-premieres-victimes-du-transhumanisme/

Jeanne Smits